C’est suspect la solitude, n’est-ce pas ? Quelqu’un qui est seul ne peut être que coupable de sa solitude. Comme si ce ne pouvait être un choix et qu’il faille toujours chercher à y remédier. Tu te souviens, tu es venu à moi pourtant un jour parce que tu trouvais que je me débrouillais super bien toute seule… Il est loin, ce temps-là, n’est-ce pas et il semble que tu aies changé d’avis. Dommage… C’était autrement plus agréable pour moi à entendre. Tout aussi désespérant, mais plus agréable. Encore une fois, peu importe. Je retiens que ce que tu me reproches aujourd’hui, c’est précisément ce qui t’a attiré au début. Et non, ne confonds pas leçon et constat. Parce que moi, tout ce que je retiens vraiment, c’est que tu ne ressens tout simplement pas comme moi le besoin de t’endormir dans mes bras, de te réveiller contre moi. De partager un café le matin, d’échanger un regard tendre au-dessus de la vapeur de la cafetière. Nous sourire dans le miroir de la salle de bains. Poser un baiser sur ton épaule avant de te laisser entrer sous la douche, t’y rejoindre peut-être. Te peigner la barbe. Lire allongés sur le même canapé, ma tête sur tes genoux. Ton sourire quand le crumble sort du four. Goûter tes pâtes (enfin !) et t’assurer que c’est officiel et que tu es le meilleur cuisinier du monde. Partir loin, avec toi. Traverser des ponts, gravir des montagnes. Promener dans des bois, dans des forêts. Traîner les pieds dans le sable, au bord de la mer. Replanter les fleurs dont tu me couvres. Je t’ai dit que je n’aimais pas qu’on coupe les fleurs ? T’offrir des livres qui te ressemblent. Continuer de mettre un chauve barbu dans mes toiles… Arrêter d’écrire un instant parce que tu veux que je m’occupe de toi. Rencontrer tes amis, te présenter les miens. Aller au cinéma. Monter sur tous les toits, nous embrasser dans les arrière-cours. T’apporter des verveines à la cannelle pendant que tu refais le monde avec je ne sais qui. Non, non, je ne reste pas, je vous laisse entre vous. Faites comme si je n’étais pas là. Ton regard sur moi quand je me retire sur la pointe des pieds. Tu veux que je t’apporte un peu de miel ?